Laura Baldacchino
Thèse débutée en septembre 2019 sous la direction de Hélène Thieulin-Pardon (directrice principale) et Carlos Heusch (co-directeur) et soutenue le 6 octobre 2023.
Composition du jury: Hugo Óscar Bizzarri, Carlos Heusch, Corinne Mencé-Caster, Marina Mestre, Patricia Rochwert-Zuili, Hélène Thieulin-Pardo
Titre de la thèse: Étude et édition critique du Libro de las donas, traduction castillane du Llibre de les dones de Francesc Eiximenis (chapitres 1 à 100)
Résumé de la thèse:
Vers 1396, Francesc Eiximenis, l’un des acteurs principaux du franciscanisme de la Couronne d’Aragon des xive et xve siècles, écrit le Llibre de les dones. Originellement adressé à la comtesse de Prades, Sanxa Ximenis d’Arenós, ce traité à visée didactico-morale et spirituelle apparaît comme le premier traité sur les femmes dans la péninsule Ibérique. Composé de quatre-cent chapitres et divisés en plusieurs traités consacrés tour à tour sur la femme, selon ses différents états (petites filles, jeunes-filles, épouse, veuve et religieuse), le Llibre de les dones part de considérations exégétiques pour proposer des modèles de comportements féminins, mais aussi masculins. Afin d’assurer une réception efficace et pragmatique de son discours, le franciscain, tel un compilateur de sources, cite ou se réfère à un grand nombre d’autorités et incorpore plusieurs récits narratifs comme les exempla ou les fables.
Très vite, au cours de la première moitié du xve siècle, une traduction castillane anonyme, intitulée Libro de las donas, voit le jour. Aujourd’hui, la communauté des chercheurs dispose de dix témoins de la version castillane : sept copies complètes, une copie partielle et deux factices qui comprennent quelques fragments. Notre travail doctoral consiste à proposer la première édition critique du texte castillan à partir d’un manuscrit conservé à la Bibliothèque Nationale d’Espagne (MSS/10156) et sélectionné selon différents critères. Pour ce faire, nous interrogeons chacun des copies castillanes en comparaison avec les sept copies catalanes conservées depuis des considérations codicologiques, ecdotiques et linguistiques. Quelles différenes textuelles et linguistiques observe-t-on entre, d’une part, le texte catalan et le texte castillan et, d’autre part, entre les témoins castillans ? Peut-on parvenir à cerner le profil du ou des traducteurs ainsi que celui des copistes successifs afin de mieux comprendre le contexte de production du Libro de las donas ? Le stemma codicum que nous esquissons à partir des différentes études des variantes permet de rendre compte de la filiation textuelle de la traduction castillane au cours du xve siècle et de sa provenance depuis le Llibre de les dones.
Le traité, aussi bien dans sa version catalane que castillane, a amplement circulé au sein de la péninsule Ibérique et au-delà des Pyrénées. On le retrouve, en effet, dans les collections royales, les bibliothèques nobiliaires et les monastères, masculins et féminins. Comment expliquer la vaste diffusion du Libro de las donas ? Afin d’y répondre, nous nous intéressons, dans notre étude, au contexte de production de la traduction castillane ainsi qu’aux questions de diffusion, circulation et réception dans les différentes sphères mentionnées (royale, nobiliaire et religieuse). L’importance du traité est telle que deux nouvelles versions imprimées apparaissent : un incunable catalan est imprimé à Barcelone en 1495 et une version anonyme fortement remaniée de la traduction castillane, intitulée Carro de las donas, est imprimée en 1542 à Valladolid, et s’adresse à la reine Catherine d’Autriche. L’édition critique du Libro de las donas permet, par conséquent, d’unir une longue tradition textuelle, manuscrite puis imprimée, qui parcourt la péninsule Ibérique et s’étend entre 1396 et 1542.