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Humanités numériques. NUMA.  Numérisation du fonds notarial de la ville de Málaga (fin XVe-XVIe siècle)
01 / 09 / 2015
30 / 06 / 2016
CHECLA : Civilisation et histoire de l'Espagne classique
Béatrice PEREZ
Béatrice Perez, Sorbonne Universités

 

Ce projet consiste en la numérisation d’un fonds complet d’archives notariales que nous voudrions utiliser dans notre formation à destination des étudiants de civilisation de l’Espagne classique [pour les exercer à la lecture et à l’analyse de documents paléographiques du XVIe siècle] et que nous mettrions à disposition des étudiants de Master (1 et 2) pour leur permettre de mener des recherches originales sur des documents inédits.

L’idée d’une numérisation complète du fonds sur le site de Sorbonne Universités (Portail Documentaire) (après l’acquisition de la copie digitale intégrale des trente-quatre liasses et des droits d’utilisation auprès de l’instance qui possède le fonds) est d’en maintenir la cohérence et de permettre des études pertinentes dans leur logique interne. Les fonds notariés de la ville andalouse de Málaga offrent cette qualité, rarissime, d’avoir conservé, pour le XVIe siècle, une partie cohérente de ses archives notariées. D’autres villes, cela s’entend, conservent des fonds similaires, mais la masse documentaire est proprement abyssale. Dans le cas de la ville de Málaga, le fonds est « maîtrisable » pour des étudiants de Master, il est cohérent, de « petite » taille : 25.000 photogrammes (soit quelque 50.000 folios, un peu plus de 100.000 actes), qui représentent trente-trois volumes notariées (exactement trente-quatre liasses de minutes) portant sur la ville de Málaga et ses « plages » (les playas, qui sont les extensions territoriales). La collection est complète et le directeur des Archives Générales d’Andalousie, tout à fait favorable à ce projet, nous facilite l’acquisition d’une copie du fonds sous une forme digitalisée.

De fait, les liens entre notre unité de recherche de la Sorbonne, l’équipe CLEA, et les grands centres d’archives andalous, en l’occurrence la Fundación Casa Medina Sidonia (pour ne prendre qu’un exemple) nous assurent une réputation à nulle autre pareille en matière de recherches. Pour les Archives Générales d’Andalousie, cette mise en ligne interne sur le site de Paris-Sorbonnes des archives notariales de Málaga représente un atout immense, car le fonds, aujourd’hui, n’est pas digitalisé dans sa totalité. Cette démarche leur permettrait de procéder à la digitalisation complète du fonds, indispensable à la conservation des actes notariés. Pour nous, cela signifie que nous serions les premiers à posséder, dans sa globalité, le fonds, et à faire travailler des étudiants sur ces sources comme support initial cohérent de la recherche.

La pertinence pédagogique de la dépense est immédiatement perceptible : il s’agit de faire travailler les étudiants de Master 1 et Master 2 sur des sources difficiles, pour les exercer à la paléographie, à l’interprétation de données lacunaires, à leur traitement systématique par fichiers informatiques Excel, entre autres choses. À partir des fonds notariés, il s’agira de leur apprendre à ramifier les recherches en sondant d’autres dépôts d’archives (Archives de la Chancellerie et Archives du Conseil Royal – pour les procès −, Archives des Indes et Archives de la Real Audiencia – pour les activités commerciales −, Archives Paroissiales et Archives Nobiliaires – pour la structuration des familles −, etc.).

Toute cette activité pédagogique de formation hautement qualifiante se ferait comme prélude préparatoire aux déplacements que les étudiants feraient dans les centres d’archives dans un second temps. De la sorte, ce premier accompagnement quotidien, en préparant solidement les étudiants, serait le meilleur gage de recherches menées avec succès par la suite, en autonomie, dans des centres étrangers, par les étudiants de Master 2 et les doctorants. En travaillant avec eux à une formation concrète, sur des sources manuscrites, originales, on parviendrait à démystifier la difficulté de la lecture paléographique, du moins, à la rendre surmontable, facilitant ainsi le déplacement des jeunes chercheurs dans la seconde phase de leurs recherches. Nous pourrions former nos étudiants dans les meilleures conditions, sans avoir à trouver des solutions palliatives lorsqu’ils peinent à constituer leur corpus [comme travailler sur des sources publiées sur des thèmes qui ne recouvrent pas nécessairement leur choix initial]. Peut-être ainsi répondrons-nous au plus près de leurs propres désirs de recherche, en levant les obstacles liés à la difficile « constitution du corpus » afin de leur éviter de faire des choix par défaut juste pour contourner les difficultés propres à la recherche en civilisation des périodes anciennes. Je reste convaincue qu’un achat de ce type [parfaitement modique, au regard de l’importance de l’acquisition] donnerait, à nos apprentis chercheurs en histoire et civilisation, de quoi faire leurs premières armes, épaulés par nous, sans le barrage que représente, aujourd’hui, pour eux, le déplacement préalable dans les archives pour constituer, de surcroît, leur premier corpus documentaire.

Le projet, pour l’heure, est restreint aux seuls étudiants de l’UFR d’études ibériques et latino-américaines, mais il est appelé à s’ouvrir dès que l’infrastructure sera mise en place, c’est-à-dire, dès que les liasses seront en ligne et accessibles aux étudiants. Il est impératif, dans un premier temps, que le porteur du projet (celui qui supervisera le projet dans sa phase de mise en ligne et dans sa phase pédagogique) ait une parfaite maîtrise des travaux de recherche menés à partir de ces fonds pour mieux encadrer les étudiants de Master, et leur éviter les déconvenues de voir leur « sujets » pris ailleurs. Il assurera également le relais de formation nécessaire pour l’exploitation des minutes. Toutefois, l’interdisciplinarité est consubstantielle à notre formation − comme l’atteste la bi-licence Histoire-Espagnol − et à notre recherche en histoire et civilisation de l’Espagne classique.

Un précédent pédagogique l’illustre parfaitement. En 2014, à l’initiative du professeur Araceli Guillaume-Alonso (directrice adjointe de CLEA), nous avons organisé, Bertrand Haan (maître de conférences d’histoire moderne) et moi-même [dans le cadre d’une collaboration entre le centre CLEA (au sein de l’UFR d’études ibériques et latino-américaines) et le Centre Roland Mousnier (au sein de l’UFR d’histoire)] une formation par la recherche en archives d’étudiants inscrits en Master 2 et en doctorat. Le cadre choisi fut la Fundación Casa Medina Sidonia de Sanlúcar de Barrameda, en Andalousie occidentale. Le projet associait, précisément, ces deux composantes de recherches, issues de deux UFR distinctes, mais fortement liées par un même souci de former les étudiants à la recherche en archives. Par l’étude de documents originaux et par la formation aux techniques nécessaires à leur exploitation, nous voulions donner à voir aux étudiants le patient travail d’enquête dans les fonds. L’enjeu était de leur transmettre le goût de l’archive et de stimuler les vocations pour mieux encourager de nouvelles recherches sur l’Espagne, pondérant mieux son poids prépondérant dans le jeu des puissances européennes. En les guidant dans ces archives, nous voulions (outre les former), leur montrer comment s’étendent, en Europe, les réseaux des marchands et celui des grandes familles ; comment fonctionne − par ces relais économiques et politiques intimes, au quotidien − la monarchie espagnole, de la Castille à l’Italie et à l’Amérique. Nous avons pareillement insisté sur les divers modes de production de la documentation et les diverses modalités de leur analyse.

À très brève échéance, le projet intègrera, presque naturellement au regard des liens qui nous unissent, les historiens modernistes de l’Université Paris-Sorbonne qui le souhaitent, c’est l’évidence. Peut-être aussi la licence Lettres et Techniques informatiques de Paris-Sorbonne et le nouveau cursus de Sorbonne Universités, voté en collaboration avec l’UPMC − alliant les Lettres et l’Informatique – trouverons, dans ce projet, un exemple concret d’appui à la formation très pertinente liant les Sciences Humaines au Numérique et une ouverture palpable en Master. À plus ou moins long terme, d’autres institutions, telle l’École des Chartes, pourront bénéficier de cette acquisition. L’École Nationale des Chartes, par le biais du professeur Marc Smith (paléographe), a organisé un séminaire de « Paléographie italienne » et je pense que cet échange – permettant une ouverture à la péninsule ibérique – pourrait les intéresser, dans le cadre de collaborations ponctuelles avec les hispanistes modernistes.