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Autoriser le récit historique : historicité et culture historique en péninsule ibérique au Moyen Âge

Autoriser le récit historique :  historicité et culture historique en péninsule ibérique au Moyen Âge
12 / 12 / 2013
13 / 12 / 2013
Colloque

 

 « La trace d’un rêve n’est pas moins réelle que celle d’un pas ». Cette affirmation, que nous devons à Georges Duby, permet d’approcher la notion d’historicité. Celle-ci est fondamentalement, pour les hommes du Moyen Âge, le caractère de tout événement qui veut être cru, ce qui, par conséquent, l’empêche d’être confondue avec la véracité.

            La notion d’historicité est assez complexe. Dans les chroniques royales médiévales, le discours n’a pas pour but de prouver la vérité, mais de retrouver voire de créer une vérité : l’histoire se fait constamment justification, légitimation ou, à l’inverse, dénonciation en fonction des intérêts de l’historien ou bien des rois qui font écrire l’histoire. Il est aussi une historicité propre aux chroniques fabuleuses, attenante à la création littéraire, constante et consciente. C’est là une historicité singulière et proche de celle définie par Garci Rodríguez de Montalvo dans le prologue d’Amadís de Gaula : les auteurs de ces chroniques – comme, par exemple, ceux de la Crónica carolingia ou de la Crónica sarracina – se réclament eux aussi de l’histoire pour la crédibilité qu’elle leur offre, tout en la réécrivant. Cette historicité fabuleuse n’est pourtant pas mensongère ; tout au plus dira-t-on que ces chroniques contiennent des « vérités poétiques ». L’historicité est donc variable, relative, fluctuante, dépendante de la matière même traitée par l’historien.

Le récit historique, cependant, vrai ou vraisemblable, ne se suffit pas à lui-même. Il est soumis à la critique d’autres historiens ou bien à l’analyse idéologique du groupe dominant : c’est un récit autorisé ou non. C’est que l’histoire est une affaire sérieuse. Parce qu’il est exemplaire, le récit historique ne falsifie pas vainement le passé ; il l’altère, lorsque cela s’avère nécessaire, le discours convergeant tout entier vers la vérité de l’historien : un faux peut devenir vrai et un texte apocryphe être considéré comme authentique. Ce qui importe est donc le potentiel historique, la vraisemblance du discours historique ; en un mot,  son existence même.

            Dès lors, si tout récit historique médiéval est sujet à caution, comment l’autorise-t-on ? Une chronique peut être voulue par le pouvoir en place pour combler un vide idéologique ou politique – projet historiographique alphonsin, molinismo, historiographie trastamare – ; la légitimité de l’historien passe-t-elle par d’autres biais ? Une fois un savoir historique autorisé, peut-il être révisé, de quelle façon et à quel moment ? Comment définir la culture et la conscience historiques ? Comment l’historien s’autorise-t-il lui même à prendre des libertés avec la matière qu’il traite ? Comment, par exemple, rend-il « authentique » une œuvre qu’il sait apocryphe ? Qu’en est-il, par ailleurs, de la construction du savoir dans le discours « romanesque » qui admet la fable au sein de l’histoire ?

            

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